A un mois de la coupe du monde, des heurts continuent d’éclater au Brésil et la situation sociale ne semble pas s’améliorer, malgré l’intervention des politiques et l’espoir d’une bonification économique.
Tout le monde espère que la compétition viendra calmer les espoirs du peuple et que seule la fête du football sera célébrée. Le président de l’UEFA, Michel Platini, est même jusqu’à aller exhorter aux Brésiliens « à se calmer ». Les instances dirigeantes du football sont persuadées que la Coupe du Monde est une formidable opportunité économique et que, malgré la dette, malgré la hausse du coût d’organisation, les retombés seront positives.
Qu’en est-il vraiment ? Existe-t-il réellement des études prouvant un caractère positif de l’organisation d’un tel évènement ? Le budget de l’organisation du mondial 2014 est estimé à 8 milliards d’euros, jamais un pays n’aura autant dépensé pour une coupe du Monde. Le gouvernement, aidé de la FIFA, estime que les gains seront plus importants que les pertes et que, dans tous les cas, la rénovation des stades, des routes et des infrastructures (ports, aéroports, etc.) permettront un développement généralisé du pays.
UNE ANALYSE POST-EVENEMENT
D’après l’économiste Wladimir Andreff, aucune étude n’a jamais été mise en place pour déterminer l’impact ex-post de l’organisation d’un évènement. Toutes les études socio-économiques sont des analyses ex-antes qui cherchent à justifier et légitimer une compétition internationale. Le pays engage une équipe d’experts afin que ces derniers expliquent l’intérêt d’obtenir l’organisation : relance keynésienne par le financement de grands travaux, hausse des investissements, hausse du tourisme, rénovation des infrastructures, moral de la population en hausse, etc.
Or, aucune étude complète (même si des tentatives existent) n’a été faite ex-post, c’est-à-dire après une Coupe du Monde ou une Coupe d’Europe. Il convient ici de distinguer les effets privés et les effets publics. En effet, une compétition internationale constitue un coût d’organisation pour le pays-hôte qui sera, à la fois, perçu par les contribuables et par les investisseurs privés. Ensuite, on peut estimer l’impact de cette compétition sur ces différents acteurs. Ainsi, un acteur privé pourrait profiter du Mondial grâce à la rénovation des stades de football sans que ce dernier n’ait participé totalement à son financement. Son intérêt serait double.
La question que l’on se pose alors est de savoir s’il existe véritablement un bénéfice net privé ex-post de l’organisation d’une coupe du Monde ou d’une coupe d’Europe ? En répondant à cette question, il sera pertinent de la mettre en confrontation avec les coûts et de déterminer s’il y a ou non une perte sèche.
LES BÉNÉFICES DES INVESTISSEURS PRIVÉS
Cette problématique a été posée par les deux économistes Bastien Drut et Stefan Szymanski, dans leur article « How football clubs benefit from the World Cup (and Euros) ». Ces derniers ont étudié l’effet ex-ante et ex-post d’un Mondial et d’un Euro dans le pays-hôte chez les acteurs privés bénéficiaires de l’organisation, c’est-à-dire les clubs.
Drut et Szymanski ont réuni les données des évènements sportifs depuis la coupe du Monde 1966 et observé l’évolution de la fréquentation des stades 5 ans avant et 5 ans après la compétition. Ils en tirent un bilan positif : l’évènement provoque une hausse de la fréquentation des stades et cette tendance se prolonge sur 5 ans au moins.
Pour eux, cela s’explique par l’attrait du public, la médiatisation de l’évènement, le merchandising et le marketing, l’amélioration des transports et du confort dans les stades. Ceci est impactant pour les clubs qui n’ont pas profité des investissements. L’étude montre en effet que les clubs de la deuxième à la quatrième division obtiennent une augmentation de la fréquentation après le Mondial ou l’Euro, bien qu’ils n’aient pas modernisés leurs structures. L’économie du football aurait alors tout intérêt à obtenir l’organisation d’un évènement sportif.
Il reste maintenant à déterminer si le gain obtenu par la hausse de la fréquentation des stades est supérieur aux dépenses générées pour organiser la compétition. Ce calcul coût-avantage a été posé par Drut et Szymanski. En considérant que le prix moyen d’un ticket au Brésil est de 7$, ils vont estimer les recettes des clubs hôtes et des clubs non hôtes de la première à la quatrième division.
Malgré une amélioration de la fréquentation, cette croissance est tout bonnement insuffisante pour contrebalancer les pertes économiques du financement de l’organisation. En effet, les gains sont estimés à 134 millions d’euros sur 5 ans alors que le mondial 2014 aurait coûté 2,5 milliards d’euros aux investisseurs privés, soit un coût 20 fois supérieur.
UN EFFET POTENTIELLEMENT POSITIF
Néanmoins cette estimation peut être discutée. La variable n’est étalée que sur 5 ans ; or les stades ont une durée de vie de 30 à 50 ans, surtout si ces derniers ont coûté chers et sont très innovants. Puis la croissance économique du Brésil pourrait provoquer, dans les prochaines années, une inflation des prix et notamment des tickets d’entrée dans les stades, chose que ne prend pas en compte l’étude.
Ensuite, et toutes ces critiques sont retenues par les auteurs, une rénovation des stades améliorait la visibilité médiatique et ainsi la hausse des droits de retransmission, puis offrirait une place supplémentaire à une autre économie de loisir, type concert et manifestation artistique au sein des nouveaux stades. Cela drainerait un public supplémentaire et des revenus en plus.
Il est donc très difficile de déterminer efficacement les impacts économiques d’une Coupe du Monde ou d’une Coupe d’Europe. Le Brésil connait actuellement une situation sociale difficile mais les dirigeants espèrent que le Mondial permettra une amélioration future.
Seule l’histoire pourra nous le dire.