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Samedi 5 juillet, 121ème minute de jeu, le sélectionneur Oranje Louis van Gaal, alors que son équipe n’a toujours pas réussi à franchir le mur Costa-Ricain et que la difficile séance de tirs au but s’approche, tente un immense coup de poker en remplaçant son gardien titulaire, le jeune Jasper Cillessen, par l’expérimenté Tim Krul, plus à l’aise dans les penaltys. Bien lui en a pris car la sélection des Pays-Bas s’est qualifiée pour les demi-finales 4 tirs au but à 3, avec 2 arrêts de Krul.
Ce coup de génie de Louis van Gaal est historique, changer le gardien juste pour une séance de tirs au but, sans avoir joué une minute de match est du jamais vu. Ce coaching a été payant mais le destin aurait pu être tout autre si l’équipe avait perdu. Une étude parue en 2000, dans le Journal of Sports Sciences, avait montré, modèle mathématique à l’appui, que le changement de gardien pouvait psychologiquement influencer les décisions des joueurs et provoquer une diminution des performances des adversaires.
En effet, contrairement à ce que pensait Fabien Barthez, il existe des bons gardiens de penalty et des mauvais gardiens de penalty. Le changement à ce poste pour l’étape des tirs au but permettrait d’augmenter les chances de réussite et de réduire l’incertitude. Ensuite, le coaching, dans le cadre de la théorie des jeux, où l’action d’un agent influence la décision de l’autre, devrait altérer le moral, même inconsciemment. Comme lorsque l’entraîneur fait rentrer un « impact-player » dans les dernières minutes de la rencontre pour changer le cours du jeu, les défenseurs changent leur comportement et la pression augmente.
D’ailleurs, la probabilité de marquer est en hausse dans les dix dernières minutes du match. Un récent article de A. Heuer et O. Rubner montre que l’occurrence de but augmente avec le temps. Plus les minutes passent et plus la chance de voir un but croît. Ainsi, les remplaçants ont véritablement une influence sur les résultats. Tout comme potentiellement les gardiens.
La probabilité de but augmente passé la 70ème minute, au moment des premiers changements de l’entraîneur.
Changer son gardien juste pour qu’il participe à une séance de tirs au but peut donc être une décision très favorable, si seulement on dispose dans ses rangs d’un joueur au-dessus de la moyenne. Dans la sélection Oranje, Tim Krul était connu pour ses bonnes performances lors des penaltys, avec son équipe Newcastle, il avait arrêté de nombreux penaltys en Premier League, notamment contre Manchester United ou Chelsea. Contrairement à Jasper Cillessen, néophyte dans ces événements.
Hier, Louis van Gaal a pris une décision difficile, un coup de poker sensationnel mais ô combien payante ! C’est une des particularité de l’entraîneur Hollandais, il se considère lui-même comme un « anti-Cruyft », c’est-à-dire comme un cartésien du football qui refuse le facteur chance et le hasard. Dans leur livre, The Numbers Game, les économistes Chris Anderson et David Sally précisent que :
L’entraîneur Hollandais se voit comme un maître du destin, à ses yeux, le hasard n’a pas lieu d’être dans le sport, il faut contrôler ses actions et les maîtriser. […] En tant que coach, il va chercher à limiter le plus possible l’impact du hasard. Cela signifie optimiser ses dépenses, maximiser les performances à l’entrainement et développer les stratégies et tactiques de jeu.
C’est tout le talent du Néerlandais, savoir contrôler le hasard et minimiser les risques. Grâce à son coaching, il a pu qualifier son équipe en demi-finales de Coupe du Monde face à une excellente équipe du Costa-Rica. Peut-être que face à l’Argentine, la donne ne sera pas la même …
