Mondial de football

Pourquoi les Brésiliens gagnent toujours au football ?

A quelques jours du début de la Coupe du Monde, de nombreux livres sont publiés. L’un d’entre eux sort du lot, « Pourquoi les Brésiliens gagnent toujours au football ? ». Il est l’œuvre du journaliste à la Voix du Nord, David Delporte @DelporteDavid, et s’intéresse, avec rigueur et pédagogie, aux raisons historiques, sociales et culturelles qui expliquent la force et la suprématie de la Seleçao. L’occasion pour MDF de l’interviewer.

Le mondial de foot : comment peut-on expliquer la puissance footballistique du Brésil depuis plus d’un siècle ?

David Delporte : Il n’y a pas, à mon sens, une seule explication mais c’est plutôt l’addition d’une multitude de facteurs, initialement historiques, sociaux et culturels, et depuis quelques décennies également psychologiques, qui fait que le Brésil est aujourd’hui le pays du ballon rond, le pays qui a remporté le plus de Coupe du monde et le seul qui, cet été, récoltera la note de 20/20 en assiduité puisqu’il n’a pas manqué la moindre édition.

Le Brésil est l’un des pays les plus métissés de la planète. Et cette diversité ethnique est devenue au fil des années une force.

– Quels ont été les éléments historiques, sociaux et culturels qui ont permis une telle suprématie internationale ?

Le livre de David Delporte, aux éditions Hikari

Ils sont nombreux mais en voici quelques-uns :

  • Le Brésil est l’un des pays les plus métissés de la planète. Et cette diversité ethnique est devenue au fil des années une force. Si le football, amené d’Angleterre en 1894 était, au début du XXe siècle, un sport de riche, réservé aux élites et aux blancs, les clubs ont vite pris conscience que les métisses et les noirs étaient d’excellents joueurs et qu’en les intégrant, ils apporteraient une plus-value à l’équipe. Même si pendant de nombreuses années, cette intégration se fit de façon un peu cachée, on pense à l’exemple de Carlos Alberto, ce joueur de Fluminense qui se couvrait la peau de poudre de riz pour se blanchir le visage.
  • Sur le plan social, le football est plus qu’un sport, c’est une religion, du moins depuis les années cinquante, lorsque le Brésil s’est mis à gagner. Dire que le football est le seul ascenseur social pour des milliers de gamins des favelas est bien sûr un peu cliché mais ce n’est pas non plus totalement faux. S’il ne constitue pas le seul chemin vers la réussite professionnelle, le football n’en demeure pas moins le plus rapide.
  • Enfin sur le plan culturel, la tradition du corps libre, de la danse, la souplesse de bassin expliquent en partie l’habileté technique des Brésiliens. La créativité et la notion de jeu sont inculquées très jeunes aux enfants. On estime également que leur art du dribble  est symbolique de la façon dont ils conçoivent les relations sociales. Les Brésiliens n’aiment pas les conflits, ils s’efforcent le plus souvent d’esquiver les problèmes, de les contourner comme le font leurs joueurs face aux défenseurs adverses.

D’après les économistes Simon Kuper et Stefan Szymanski, les performances sportives d’une nation peuvent être expliquées par l’expérience, la population et le PIB/habitant (la richesse du pays capable de bâtir des infrastructures d’entrainement et d’offrir une vie saine aux sportifs). Or le Brésil connait un développement économique récent, comment peut-on expliquer ce paradoxe, un pays 5 fois champion du monde qui ne répond pas aux critères économique occidentaux ?

Je ne suis pas totalement d’accord avec cette analyse car si l’on se fiait à l’importance de la population et à son PIB, les Etats-Unis, le Japon ou la Chine seraient parmi les meilleures nations, ce qui est loin d’être le cas car ce sont des nations où il n’y a pas forcément cette culture football ou, du moins, ce sont des pays où le football ne domine pas la scène médiatique alors qu’au Brésil, par exemple, le football est dans l’ADN de la population, la légende dit même que les enfants Brésiliens savent taper dans un ballon avant de savoir marcher. Et le football est là-bas au centre des préoccupations, médiatiquement ils écrasent toutes les autres disciplines.

Dès que l’équipe a enchaîné quelques victoires, les gens n’ont pas pu s’empêcher de faire la fête dans les rues.

– Vous dites, dans votre livre, que les Brésiliens sont surtout supporters de leur club avant de leur pays. Les émeutes sociales qui sévissent depuis le début des travaux au Brésil peuvent-ils, d’une certaine manière, rendre compte de cela (comme lorsque Platini avait demandé aux brésiliens de se calmer) ?

Oui mais je pense surtout que l’amour du football et de la Seleção n’empêche pas les gens d’être lucides. Les Brésiliens qui vivent dans un des pays qui, malgré le développement économique, reste l’un des plus inégalitaires du monde, savent qu’ils bénéficient avec l’approche de la Coupe du monde d’une exposition médiatique sans précédent. C’est plus que jamais le moment de revendiquer, de contester sachant que la Coupe du monde fera caisse de résonance. Cela dit, même si des mouvements ne sont pas à exclure durant la compétition, je pense que le pays sera quand même derrière la Seleçao. En 1970, un appel au boycott de l’équipe nationale avait été lancé pour contester la dictature militaire mais dès que l’équipe a enchaîné quelques victoires, les gens n’ont pas pu s’empêcher de faire la fête dans les rues. Enfin, concernant l’intervention de Platini, je dirais qu’elle était, au mieux, très maladroite.

– Le Brésil est le premier pays exportateur de footballeurs au monde. Pensez-vous qu’avec le développement de l’économie nationale, cette particularité va s’arrêter ou que cela fait partie de la culture brésilienne ? 

 Le Brésil exportait ces derniers saisons presque mille joueurs par an, soit environ l’équivalent des effectifs de Ligue 1 et de Ligue 2 en France. C’est énorme même si tous ne partent pas dans des grands championnats, certains ne sont que semi-professionnels. Mais visiblement avec le développement économique du pays, combiné à la crise dans les pays européens, la tendance est beaucoup moins au départ car les Brésiliens peuvent désormais gagner aussi bien leur vie en restant au pays qu’en partant dans certains clubs qui ne peuvent plus les payer aussi bien qu’il y a quelques années.

Les Brésiliens sont complémentaires des joueurs européens qui ont, eux, peut-être davantage de culture tactique. Les Brésiliens peuvent amener cette petite touche de folie

– De la même manière, d’après Simon Kuper, et d’autres travaux d’économistes (Saez et Landais), le melting-pot culturel et sportif favorise les performances. Pensez-vous que les Brésiliens soient si prisés et si forts car ils apportent une nouvelle manière de jouer et s’adaptent au jeu européen ? 

Je pense surtout qu’ils apportent pour beaucoup une touche technique supplémentaire. Les Brésiliens sont complémentaires des joueurs européens qui ont, eux, peut-être davantage de culture tactique. Les Brésiliens peuvent amener cette petite touche de folie. Mais attention, certains Brésiliens, et notamment des défenseurs, possèdent aussi des profils plus proches de ce qui existent déjà en Europe. Des Thiago Silva aujourd’hui ou des Ricardo et des Mozer par le passé se distinguaient aussi par leur impact physique.

– Dernière question : quel est votre pronostic au mondial ? Voyez-vous tout de même le Brésil l’emporter au pays ?

Oui pour moi ce sont les grands favoris. Je ne crois pas trop en l’Argentine, l’Espagne reste solide mais c’est quand même une équipe vieillissante, un peu en fin de cycle. Le plus sérieux rival est, selon moi, l’Allemagne mais je pense qu’à la maison, le Brésil ne peut pas se permettre de revivre le drame de 1950 quand ils avaient échoué face à l’Uruguay. Ce n’est pas la plus grande équipe du Brésil de l’histoire mais avec des garçons comme Thiago Silva, Marcelo, Oscar ou Neymar, ils ont quand même de grands joueurs dans toutes les lignes.

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